La situation qui est revenue, qui est assez ancienne c’était une situation difficile, une situation qui m’intrigue beaucoup... Il y avait comme une sorte de fossé presque entre mes intuitions, ce que j’avais envie de faire, par où je devais aller, et ce qu’il se passait. Et dans le même temps un devoir de solidarité qui est imparable, on doit être solidaire avec le moment et donc on doit faire des concessions avec ces intuitions. [...]
Disons que la musique qui était produite ne me plaisait pas, ou était quelque chose que j’avais fait trop de fois... Une sorte de débauche d’énergie, soit qui correspondait plus à mon énergie soit à mes intuitions. [...]
Mais ce qui m’intéresse malgré tout c’était de faire le job. Comment malgré tout y trouver une satisfaction ? Et bien c’est d’être à la tâche, c’est de faire vraiment la musique ensemble et tout en ayant des tensions vers quelque chose qui serait différent, et comment trouver un équilibre ? [...]
Comment se coltiner la chose ? [...]
C'était comme un exercice en fait, de travail qui permet d’avoir de l’expérience du fait que justement il faille fouiller dans tous les recoins. Ca va pas tout seul, ça joue pas tout seul. Et comment y trouver de la finesse ? [...]
Comment faire pour malgré tout tisser quelque chose, que ce soit vivant, divers, surprenant pour moi-même ?
Donc c’était un peu bizarre parce que finalement j’étais à la fois complètement solidaire et en même temps j’étais dans un état de solitude, bien que j’étais dans la musique.

Une situation facile, surtout quand c’est avec d’autres personnes ou une autre personne, c’est quand on n’a même pas l’impression de s’écouter ; c’est-à-dire qu’on est même pas au travail de l’écoute. L’écoute est totalement naturelle elle se fait absolument toute seule, elle ne scrute pas, elle n’est pas analytique, elle n’est pas faite pour réagir ou rebondir. L’écoute en fait permet... comme si elle descendait d’un cran. C’est comme si on faisait partie d’un environnement. Et que la relation qu’on a l’un avec l’autre, là je pense plutôt à une situation de duo avec Michel Doneda, on est en duo ensemble depuis maintenant plus de 34 ans... Il y a une sorte de confiance qui est incroyable. Et là on ne s’écoute pas comme lors d’un dialogue. On vit dans le même environnement, et c’est comme si on respirait le même air, moi j’appelle ça habiter la même maison.

Et ça c’est extraordinaire parce que nous même on est étonnés. Nous même on est surpris de ce qui sort. On est surpris des fulgurances, des arrêts inopinés exactement en même temps alors qu’il y a rien qui le définit, les changements brutaux de direction qui sont complètement immédiats et on ne sait absolument pas d’où ils viennent. C’est comme si on respirait au même rythme... et ça ça nous stupéfait vraiment. [...] On se dit mais comment ça se fait ? Et même si ça passe évidemment par quelque chose de très physique et de très technique, qui est de jouer l’instrument, il y a une sorte d’au-delà qui est touché et qu’on ne sait même pas définir. Des fois on est même inquiets parce qu’on trouve que ça va trop vite...

Il y a une sorte de processus commun qui est lancé, et puis on constate ce qui s’est fait... Même si il y a des choses qui viennent aussi d’une attitude négative : au sens où il y a des choses qu’on évite de faire, absolument. C’est à dire "non non non ça c’est justement quelque chose que je reconnais trop, qu’est-ce que je fais pour l’éviter ?" Et donc il y a des tas de stratégies, de techniques d’évitement qui nous permettent qu’une chose apparaisse qui est curieusement maîtrisée, alors qu’on ne sait pas ce qu’elle est. [...]
Il y avait quelque chose de commun et donc j’ai commencé à pister ça et j’ai vu que j’en étais, à peine débutant, pétri... Et que mon jeu c’était de répéter des choses qui étaient entendues. Et donc toute ma stratégie a été d’écouter et dès que je sentais que j’allais le jouer de faire autrement. C’est ce que j’appelle une attitude par la négative. C’est-à-dire, "non ça c’est non, et donc qu’est-ce qu’il reste ?" Et bien il ne restait rien. Et donc il a fallu comme un peu tout inventer, qui puisse éviter tous ces motifs. Non pas que je les trouvais mauvais, mais je les trouvais bizarrement non questionnés.

Chloé : J’aime bien cette idée d’évidence par l’évitement de l’évidence acquise non questionnée.
Ninh : Oui c’est vraiment ça, c’est tout à fait ça, absolument. En fait il y a de la joie. En fait quand on retire, il y a peut-être une question morale là-dedans, tout à fait. Il faut peut-être plutôt reculer plutôt qu’en rajouter... Il y a peut-être quelque chose qui est moral sans le savoir. En tout cas on découvre, quand on évite certaines choses et qu’on est suffisamment curieux, en fait on découvre qu’il y a tout un monde au-delà de ça. Et donc pourquoi ne pas continuer à explorer ? [...]
Et puis surtout que ça semble infini. Parce que quand même malgré tout, même si on explore des choses qui sont du monde sonore, malgré tout le problème c’est nous-même. En fait on peut continuer à piétiner le même endroit à chercher à creuser, mais c’est parce que c’est nous qui nous freinons, c’est nous qui nous empêchons, et que c’est plutôt le travail sur soi à travers le son qui fait qu’on va creuser. Donc ce n’est pas tant répéter, piétiner.
Michel dit c’est ressasser, il dit "Improviser c’est ressasser". Il a absolument raison. Et parce qu'on y trouve toujours quelque chose et que ce n’est pas [...] répéter bêtement mais répéter en observant. Et c’est l’observation qui change la chose, en fait c’est un travail sur nous-même. Le problème n’est plus tellement l’instrument, même si l’instrument doit être travaillé sinon on perd contact, avec notamment l’instrument lui-même, avec ce qu’il renvoie, avec tout ça. Mais on se travaille soi-même dans tout ça, et ça a l’air sans fin. C’est sans fin vraiment (rire).

Ca me rappelle quand j’étais enfant et que je recevais un cadeau de Noël : je le démontais complètement, pour voir de quoi il était fait [...] pour voir à l’intérieur les moteurs, les trucs [...] Mais en fait, le goût de démonter, de regarder comment les choses sont faites est toujours là... Donc il y a effectivement quelque chose d’enfantin qui est vraiment très précieux. Le côté enfantin est vraiment pour moi très important.
Garder un œil neuf, en fait.

Improviser librement. Abécédaire d'une expérience | LE QUAN Ninh, Improviser librement. Abécédaire d'une expérience, CFMI de Lyon, Mômeludies, "Entre-Deux", 2015.
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22.02.2020

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